Proposé par Anne Giersch le 4 Février 2009 à 12h41 [ Pas de commentaires ]
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Les pathologies psychiatriques touchent de multiples fonctions cognitives, la mémoire, l’attention, la perception ou le contrôle moteur. Ces dysfonctionnements sont actuellement considérés être au cœur de pathologies comme la schizophrénie. Il est donc crucial de comprendre la nature de ces troubles cognitifs pour mieux comprendre la physiopathologie de la maladie. Ceci d’autant qu’il est possible d’envisager de remédier à ces troubles notamment par des techniques de remédiation cognitive.

L’étude de ces troubles ne peut se faire de façon efficace que dans le cadre des modèles de référence pour les fonctions étudiées. Si cette seule exigence justifie déjà une étroite collaboration entre les cliniciens et les chercheurs qui s’intéressent au fonctionnement normal de la cognition, plusieurs difficultés rencontrées dans l’étude des pathologies mentales devraient amener à renforcer encore cette collaboration, qui reste trop rare, ici comme ailleurs.

-    Une première difficulté tient à l’importance particulière des mécanismes qui sous-tendent la conscience, touchés au premier chef dans les pathologies psychiatriques. Cette difficulté résulte en des obstacles multiples. Le premier est évident et découle de la connaissance encore insuffisante des mécanismes qui sous-tendent la conscience, méconnaissance tant au niveau fonctionnel qu’au niveau des troubles neurobiologiques sous-jacents. Pour la pathologie, il est nécessaire de résoudre ces questions non seulement au niveau fonctionnel mais aussi au niveau neurobiologique. Un deuxième obstacle est lié à la difficulté qu’il y a à faire des liens entre les troubles cognitifs et les troubles cliniques rencontrés dans les pathologies psychiatriques. En effet, si les troubles cognitifs semblent bien liés aux difficultés éprouvées par les patients dans la vie quotidienne, il est plus difficile d’établir un lien entre les troubles cognitifs et des symptômes cliniques qui se traduisent par des comportements complexes comme les hallucinations ou le délire. Dans les deux cas, il est nécessaire de construire des modèles fonctionnels qui peuvent rendre compte des troubles rencontrés. Ces modèles posent très souvent des questions fondamentales, ici sur le rôle et le fonctionnement de la volonté ou de la conscience. Ces questions, qui ne trouvent pas forcément de réponse dans la littérature (le rôle de l’attention et la conscience dans le contrôle moteur, par exemple) aboutiraient à des modèles plus satisfaisants s’ils faisaient l’objet d’un véritable dialogue entre fondamentalistes et cliniciens.

-    Une deuxième difficulté tient à la multiplicité des fonctions cognitives atteintes. Cette multiplicité implique des interactions possibles entre différents déficits et la nécessité de prendre en considération ces interactions, comme par exemple entre la perception et la mémoire. Dans la mesure où chaque fonction cognitive est le plus souvent étudiée isolément des autres, l’étude des interactions entre déficits cognitifs chez les patients se heurte à l’absence de cadre théorique développé.

-    Une troisième difficulté tient à l’hétérogénéité d’expression des troubles cliniques et cognitifs chez les patients, ainsi qu’à leur caractère relativement discret, si on les compare à ceux rencontrés chez des patients cérébro-lésés. Chaque déficit doit être discuté au regard des différents troubles rencontrés chez les patients, du déficit généralisé (le patient est altéré simplement parce que la tâche est difficile) au trouble clinique (le patient n’arrive pas à faire la tâche parce qu’il est halluciné), en passant par un trouble cognitif qui n’est pas celui qui était visé par le test utilisé (le patient est altéré dans une tâche de comparaison de durées en raison de troubles mnésiques). Si ces difficultés peuvent être rencontrées dans tout pathologie, la relative discrétion, l’hétérogénéité des troubles et leur diversité rendent ces difficultés majeures dans la pathologie mentale. L’anticipation de ces problèmes d’interprétation et la construction de paradigmes adaptés permettent de contourner ces difficultés. Cette démarche suppose cependant à la fois une bonne connaissance des mécanismes cognitifs mais aussi de la clinique, et donc un dialogue entre fondamentalistes et cliniciens.

-    Enfin, les techniques de remédiation cognitives mises en œuvre en psychiatrie sont inspirées de celles utilisées en neuropsychologie auprès des patients atteints de lésions cérébrales. Les études sur l’efficacité des méthodes appliquées sont évidemment amplement justifiées, mais seraient utilement accompagnées d’un questionnement de nature fondamental sur les fonctions cognitives mobilisées pendant la remédiation. Là encore un décloisonnement des recherches faciliterait ce type d’études.

Un dialogue accru entre cliniciens et fondamentalistes est nécessaire pour mieux faire comprendre la nature des obstacles théoriques rencontrés dans ces pathologies aux uns comme aux autres. Renforcer ce dialogue serait l’occasion de faire naître une recherche véritablement originale et pertinente pour la pathologie mentale, mais aussi, nous en sommes persuadés, pour l’étude des fonctions cognitives en général.